Depuis quelques semaines on entend de plus en plus parler de la comète C/2022E3 ZTF, c'est vrai cette comète s'annonce comme l'objet le plus intéressant à observer en ce début d'année 2023 MAIS elle ne sera certainement pas visible à l’œil nu, même si tous les articles de presse (ou presque) préfèrent vous le laisser croire le contraire ... histoire que vous lisiez l'article jusqu'au bout!
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| comète ZTF par Jose Francisco Hernández à l'honneur dans l'APOD |
Découverte de la comète
Pour commencer il faut comprendre que cette découverte n'a rien d'exceptionnel ni de récent. Il y a en permanences des campagnes de photographies du ciel, par les astronomes professionnels, ou chaque portion de ciel est photographiée plusieurs fois. Sur ces images les étoiles nébuleuses et autres galaxies cataloguées depuis des décennies y apparaissent toujours aux même positions et peuvent être identifiées automatiquement. D'autres objets par contre vont se déplacer d'une image à l'autre, ce sont des objets qui appartiennent à notre système solaire : planètes, astéroïdes et autres comètes. Là aussi ils peuvent être identifiées mais cela demande de calculer leur trajectoire et de la comparer aux positions observées. chaque jours des listes d'objets sont publiées avec un nom provisoire attribué automatiquement, puis peuvent être potentiellement renommés plus tard. Quand l'objet détecté possède une queue diffuse on le classe comme comète et son nom est de la forme suivante :
- la lettre "C" pour comète, suivi de "/" , suivi de l'année de découverte (sur 4 chiffres)
- une lettre correspondant à la période de l'année où l'objet a été découvert (les 52 semaines étant découpées en 26 quinzaines de la manière suivante A-> 1er au 15 janvier, B-> 16 au 31 Janvier, ... Z->16 Décembre au 31 Décembre )
- un numéro correspondant à l'ordre de la découverte dans la quinzaine
- suivi éventuellement des noms des 3 premiers découvreurs indépendants
Pour la comète qui nous intéresse son nom est C/2022E3 ZTF signifie que la comète est la "troisième découverte entre le 1er et le 15 Mars 2022, identifiée par ZTF" . Depuis une vingtaine d'années il est très rare que les découvreurs soient des humains, ce sont le plus souvent des programmes automatisés de détection comme ici le programme ZTF "Zwicky Transient Facility" (lancé en 2018) qui cherche plutôt à détecter des (super)nova mais peut observer par hasard des astérides ou comètes.
Les caractéristiques de la comète
La comète C/2022E3 ZTF est donc découverte le 2 mars 2022, avec une très faible magnitude 17, très vites d'autres observatoires confirment son existence et accumulent les observations qui permettent de calculer sa trajectoire qui sera publie fin mars dans les MPEC du "Minor Planet Center". Cette trajectoire est une ellipse trèèèèès allongée (excentricité e=0.999 donc presque une parabole au voisinage du soleil) avec un périhélie (point le plus proche du soleil ) vers le 1er février 2023 et assez proche de l'orbite terrestre ( distance a= 1.1145 UA). A ce moment là on sait que la comète va probablement être bien visible en janvier/février 2023 et au fur et à mesure des observations on peut commencer à mesurer son activité et prédire son éclat pour cette période.
Les premières prédiction accessibles aux astronomes amateurs apparaissent souvent sur le site de Seiichi Yoshida http://www.aerith.net/ dans la page " Visual Comets in the Future " ou dans "Weekly Information about Bright Comets". On y trouve des cartes de repérage et surtout des courbes de luminosité qui permettent d'évaluer la magnitude visuelle de la comète au moment des observations. Pour C/2022E3 ZTF ça donne :
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| luminosité de C/202E3 ZTF d'après aerith.net |
Les points noirs sont des observations et la courbe rouge est la courbe théorique déduite des premières semaines d'observation (puis ajustée en suite). Comme on le voit depuis plusieurs mois on sait que cette comète atteindra la magnitude 5 début Février, sauf sursaut d'éclat extrêmement improbable vu la régularité de la courbe observée jusqu'ici et la distance au soleil qui reste raisonnable. Hé bien cette magnitude de 5 indique que la comète ne sera pas du tout visible à l’œil nu ! Il faudra au moins une paire de jumelles ou un petit télescope pour la voir. Ça n'est pas grave ça sera déjà une très belle comète à observer mais laisser croire qu'elle sera visible à l’œil nu c'est un gros mensonge.
Seuil de visibilité à l’œil nu pour une comète.
Il est assez naturel que la visibilité d'un objet dépende de sa luminosité : plus celle-ci est faible moins il est visible et au-dessous d'un certain seuil on ne le voit plus. La luminosité d'un objet céleste est exprimé dans une échelle logarithmique appelée "magnitude". Elle a été construite empiriquement dès l’antiquité notamment par Hipparque qui a classé les étoiles du ciel en "catégories" :
- 1 pour les plus brillantes (comme Véga)
- 2 pour les suivantes (comme l'étoile polaire)
- ...
- 6 pour les étoiles les plus faibles visible (à l’œil nu forcément à cette époque)
C'est au XIXeme siècle qu'avec les progrès de la physique on a commencé à pouvoir mesurer la luminosité des étoile qu'on s'est rendu compte que ce classement correspondait à une échelle logarithmique telle que la luminosité des étoiles de magnitude 6 est 1/100eme de celle de magnitude 1. Mathématiquement cela correspond à la loi de Pogson :
$$ m_2-m_1=-2.5 \log_{10}(L_2/L_1)~~ou~~ m=C^\text{ste}-2.5\log_{10}(L)$$
où $m,m_1,m_2$ sont les magnitudes associées aux luminosités $L,L_1,L_2$.
Mais alors pourquoi ce seuil de visibilité à l’œil nu n'est pas valable pour une comète comme C/202E3 ? Hé bien une étoile est un objet tellement lointain que nous ne pouvons pas en discerner de détails, même avec des télescopes puissants. Toute la lumière de l'étoile est concentré dans un petit disque qu'on appelle tache de diffraction ou tâche d'Airy (son découvreur) et qui ne dépend que du diamètre de l'instrument utilisé pour observer. En astronomie il est souvent donné sous forme d'un angle ( en secondes d'arc) en fonction du diamètre de l'instrument (en mm) par la formule a=200/D. Pour un oeil humain D=6mm donc a= 33''=0.5 ' ce qui est très faible devant la taille apparente d'une comète (5' à 1°).
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| tâche d'Airy en fonction du diamètre de l'ouverture |
Si on considère que l'essentiel de la luminosité de la comète provient de sa coma qui forme grosso-modo un disque de diamètre d (en minutes d'arcs) cette luminosité va être étalée sur un surface $\pi\times d^2/4$ alors que pour une étoile elle aurait été étalée sur une surface $\pi\times a^2/4$. La comète semble donc avoir une luminosité relative $d^2/a^2$ par rapport à une étoile de même magnitude et donc :
$$ m_\text{comète}=m_\text{étoile}-2.5\log_{10}(a^2/d^2)$$
pour d=5a on a alors le seuil de visiblité
$$ m_\text{comète}=m_\text{étoile}+2.5\log_{10}(100)=m_\text{étoile}+3.5<6$$
ce qui veut dire que pour être visible à l’œil nu la comète devrait être de magnitude 2.5 !!! Alors forcément c'est très différent d'une comète de magnitude 5 qui n'aura donc aucune chance d'être visible à l’œil nu ... mais bon ce serait beaucoup moins vendeur pour un article de presse ;-)
Le choix d=5a est un peu arbitraire mais dans la pratique entre l'étalement de la coma va être plus grand mais sera compensé par la concentration de la luminosité de la comète vers son centre et le seuil de visibilité à l’œil nu se situe vers la magnitude 3 (avec des différences selon les observateurs et les sites bien sûr). Seules quelques comètes atteignent ce niveau de luminosité chaque décennies, mais c'est quand on s'approche de la magnitude 0 que ça devient vraiment spectaculaire. La dernière comète très brillante C/2020F3 NEOWISE a été facilement observable en France au moins de Juillet 2020 où elle a atteint la magnitude 1. Les plus anciens se rappelleront de la comète C/1995O1 Hale-Bopp qui a atteint la magnitude -1 !!!
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| C/2020F3 NEOWISE11/07/2020 2h20 TU 22 x 2sec 50mm F/2 1600 ISO |
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| 28/03/1997 Olympus OM1 and 50mm F/2 lens, 8 minutes exposure on FUGI SG+ 400 ISO |
Merci, très intéressant!!!!!
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