$$ ({\mathcal F}f)(\xi)=\widehat{f}(\xi)=\int_{\mathbb R} e^{-ix\xi}f(x) dx~~~~(1)$$
cette formule n'est bien définie que si $f\in{\mathbb L}^1({\mathbb R})$ alors comment étendre cette définition à des fonctions comme $f(x)=1$ ou $e^{iax}$ ou même à des distributions singulières comme $\delta$ ou ${\rm VP{1\over x}}$?
1 Définition de la TF par crochet de dualité
La première idée est de définir la transformation de Fourier par un crochet de Dualité :
$$ <{\cal F}T,f>= <T,{\cal F}f>~~~~\forall f\in{\cal D}$$
en effet d'après la formule de Plancherel cette définition garantie que la transformée de Fourier d'une distribution régulière, associée à une fonction $h\in{\mathbb L}^1({\mathbb R})$, soit la distribution régulière associée à $\widehat{h}$ :
$$ <{\cal F}T,f>= <T,{\cal F}f>= \int_{\mathbb R} h(\xi)\widehat{f}(\xi) dx=\int_{\mathbb R} \widehat{h}(x) f(x) dx~~~~\forall f\in{\cal D}$$
hélas cette définition n'est pas correcte uniquement à cause de l'ensemble dans lequel sont prises les fonctions tests! En effet si $f\in{\cal D}$ alors il est évident que $\widehat{f}$ définie par (1) est une fonction analytique, elle ne peut donc pas être à support compact (elle serait alors nulle partout d'après le principe des zéros isolés !). En conséquence le crochet $<T,{\cal F}f>$ n'est pas forcément défini et on ne peut pas définir la distribution ${\cal F}T$ en tant qu'élément de ${\cal D}'$ ...
Pour contourner ce problème il faut trouver un autre ensemble de fonctions tests ayant des propriétés comparables à ${\cal D}$ et qui soit stable par la transformation de Fourier ${\cal F}$.
2 L'espace de Schwartz
L'idée vient des deux formules liant dérivation et multiplication par $x$ via la transformation de Fourier :
$$ \partial_\xi ({\mathcal F}f)(\xi) = -i({\mathcal F}xf(x))(\xi)~~~~et~~~~\xi ({\mathcal F}f)(\xi) = -i({\mathcal F}\partial_xf(x))(\xi)$$
D'après ces formules, comme on sait que la transformation de Fourier est bornée de ${\mathbb L}^1({\mathbb R})$ dans ${\mathbb L}^\infty({\mathbb R})$, et que c'est une fonction continue, on obtient que :
- plus on peut dériver la transformée de Fourier, plus la fonction de départ doit décroitre rapidement pour que la fonction $x\mapsto x^nf(x)$ soit intégrable
- plus la fonction de départ est dérivable (en restant intégrable), plus sa transformée de Fourier va décroitre rapidement à l'infini, puisque $\xi\mapsto \xi^n\widehat{f}(\xi)$ reste borné
Définition On appelle "espace de Schwartz" l'ensemble des fonctions $C^\infty$ à décroissance rapide
$$ {\mathcal S}({\mathbb R})=\left\{ f\in C^\infty({\mathbb R})~\vert ~{\rm sup}_{\mathbb R} \vert x^\alpha\partial_x^\beta f(x)\vert <\infty ~~\forall \alpha,\beta \in {\mathbb N}\right\}$$
$$ {\mathcal S}({\mathbb R})=\left\{ f\in C^\infty({\mathbb R})~\vert ~{\rm sup}_{\mathbb R} \vert x^\alpha\partial_x^\beta f(x)\vert <\infty ~~\forall \alpha,\beta \in {\mathbb N}\right\}$$
L'espace de Schwartz est un espace de Fréchet, sa topologie est définie par les semi-normes $$ \Vert f\Vert_{\alpha,\beta}={\rm sup}_{\mathbb R} \vert x^\alpha\partial_x^\beta f(x)\vert ~~\forall \alpha,\beta \in {\mathbb N}$$ ce qui permet d'y définir "proprement" la transformation de Fourier.
Théorème La transformation de Fourier est une application linéaire continue et bijective de ${\mathcal S}({\mathbb R})$ dans lui même.
la continuité repose sur l'estimation
$$\begin{eqnarray*}
\Vert\widehat{ f}\Vert_{\alpha,\beta} &=& \Vert \xi^\alpha\partial_\xi^\beta \widehat{ f}(\xi)\Vert_\infty
= \Vert \widehat{ \partial_x^\alpha x^\beta f}\Vert_\infty
\leq \Vert { \partial_x^\alpha x^\beta f}\Vert_1\\
&\leq& \sum_{\gamma\leq \alpha} C_\alpha^\gamma\Vert x^{\beta-\gamma} \partial_x^{\alpha-\gamma}f\Vert_1 \leq \mathop{\sum_{p=0,\dots\alpha}}_{q=0,\dots,\beta+2} C_{p,q}\Vert f\Vert_{p,q}\\
\end{eqnarray*} $$
où pour relier les semi-normes de $\widehat{f}$ à celles de $f$ on a utilisé la fonctinuité de ${\mathcal F}$ de ${\mathbb L}^1({\mathbb R})$ dans ${\mathbb L}^\infty({\mathbb R})$ et une majoration de type "critère de Riemann" :
$$\begin{eqnarray*} \Vert \widehat{g}\Vert_\infty
&=&\sup_{\xi\in \mathbb R}\left\vert \int_{\mathbb R} e^{-ix\xi}g(x) dx \right\vert\leq \Vert g\Vert_1\\
&\leq& \left\vert \int_{\mathbb R}{(1+x^2)g(x)\over 1+x^2} dx \right\vert
\leq \pi \sup_{\xi\in \mathbb R}\left\vert(1+x^2)g(x) \right\vert \leq \pi(\Vert g\Vert_\infty +\Vert x^2g(x)\Vert_\infty )\\ \end{eqnarray*} $$
La bijectivité repose sur la formule d'inversion de Fourier mais elle n'est pas vraiment nécessaire ici.
3 TF des Distributions tempérées
A partir de l'espace de Schwartz on va pouvoir définir la transformation de Fourier de certaines distribution.
Définition l'ensemble des distributions tempérées ${\mathcal S}'$ est constitué des distributions $T\in{\mathcal D}'$ qui sont continues sur l'espace de Schwartz ${\mathcal S}$ et on a les inclusions ${\cal D}\subset {\cal S}\subset {\cal S}'\subset {\cal D}'$. La transformée de Fourier d'une distribution tempérée $T$ est définie par : $$ <{\cal F}T,f>= <T,{\cal F}f>~~~~\forall f\in{\cal S}$$
Au niveau de la topologie de l'espace des distributions tempérées par rapport à la topologie de D' il faut que l'estimation de $<T,f>$ ne dépendent pas du compact dans lequel est supportée la fonction test $f$. Dans la pratique les distributions tempérées doivent être à croissance au plus polynomiale à l'infini , pour une distribution régulière associée à la fonction $f$ cela veut dire que
$$\exists n\in{\mathbb N},~~f(x)=O(x^n)~~~~\textrm{quand }~~~~\vert x\vert \to\infty$$
Par exemple $f(x)=e^{x^2}$ définie une distribution régulière $T$ qui n'est pas tempérée car
$$< T,e^{-x^2}>=\int_{\mathbb R}1 dx~~~\textrm{diverge}$$
Par contre la distribution de Dirac $\delta$ est tempérée car :$$ \vert <\delta,f>\vert =\vert f(0)\vert \leq \Vert f\Vert_\infty ,~~~~\forall f\in{\cal S}$$
on peut donc calculer sa transformation de Fourier :
$$ <{\cal F}\delta,f>= <\delta,{\cal F}f>=\widehat{f}(0)=\int_{\mathbb R} e^{-ix\times 0}f(x)dx=\int_{\mathbb R} f(x)dx=<1,f>~~~~\forall f\in{\cal S}$$
donc c'est une distribution régulière définie par $\widehat{\delta} (\xi)=1,~~\forall \xi\in{\mathbb R}$.
Inversement la transformée de Fourier de la distribution régulière valant $1$ partout vérifie :
$$ <{\cal F}1,f>= <1,{\cal F}f>=\int_{\mathbb R}\widehat{f}(\xi)d\xi=\int_{\mathbb R} e^{i\xi\times 0}\widehat{f}(\xi)d\xi={f(0)\over 2\pi}=<{1\over 2\pi}\delta,f>~~~~\forall f\in{\cal S}$$
donc c'est la distribution de Dirac $\widehat{1} ={1\over 2\pi}\delta$. Plus généralement on aura
$$\widehat{e^{iax}} ={1\over 2\pi}\delta(\xi-a)~~~et~~~\widehat{\delta(x-a)} =e^{ia\xi}~~~~\forall a\in{\mathbb R}$$
Les formules de dérivation/multiplication de la transformation de Fourier se transmettent facilement à la TF des distributions et permettent de calculer de nouvelles TF. Par exemple :
$$ <\partial {\cal F}\delta,f>= -<\delta,{\cal F}f'>=-\widehat{f'}(0)=(-i\xi\widehat{f'}(\xi))(0)=0=<{\cal F}(x\delta(x)),f>~~~~\forall f\in{\cal S}$$
normal puisque $x\delta(x)=0$ , au sens des distributions, et c'est cohérent avec le fait que $1'=0$! De même :
$$ <{\cal F}(\xi),f>= <\xi,{\cal F}f>= <1,\xi{\cal F}f>=<1,i{\cal F}f'>
=<-i\partial {\cal F} 1,f>=<{1\over 2i\pi}\delta',f>~~~~\forall f\in{\cal S}$$
donc $\widehat{x} ={1\over 2i\pi}\delta'(\xi)$.
Une petite subtilité quand même : la fonction (e^x)*exp(ie^x) définit une distribution tempérée sans être à croissance polynomiale. Dans ce cas, les oscillations rapides de la fonctions "compensent" la croissance exponentielle.
RépondreSupprimernon $e^{x}e^{ie^x}$ ne défini pas une distribution tempérée T car on peut trouver une fonction dans la classe de Schwartz pour laquelle la distribution est mal définie. Pour cela tu prends une fonction de troncature $\chi \in C^\infty$ qui vaut 0 pour $x<0$ et 1 pour $x>1$ et tu définis
Supprimer$$f(x)=\chi(x)e^{-x}e^{-ie^x}$$
alors "T testé contre f" n'est pas définie car l'intégrale correspondante diverge :
$$=\int_0^\infty \chi(x) dx=\infty $$
PS désolé un problème de latex dans mes commentaires m'a fait annuler plusieurs réponses !)
Si, si $e^xe^{ie^x}$ est bien une distribution tempérée, puisqu'elle est la dérivée de la fonction bornée $e^{ie^x}$. Les fonctions bornées sont dans $\mathcal S'$ et $\mathcal S'$ est stable par dérivation donc c'est bon. Par contre la fonction $f$ que tu définis n'est pas dans $\mathcal S$ puisque sa dérivée n'est pas à décroissance rapide (elle ne tend pas vers $0$). Il n'y a donc pas de problèmes.
RépondreSupprimerah effectivement je suis allé trop vite, Merci pour cette remarque!
SupprimerDe rien.
SupprimerC'est vraiment l'idée que les fonctions qui oscillent beaucoup sont "petites" au sens des distributions. Par exemple $\sin(nx)$ tend vers $0$ en $n$ dans $\mathcal D'$.
Du coup l'intuition "distribution tempérée = distribution à croissance lente" est vraie à condition de prendre en compte ce phénomène.
les oscillations ça génère toujours des résultats difficiles à appréhender au départ (semi-convergence d'intégrale, phase stationnaire, ...). Moi j'y vois la trace d'un lien profond avec la notion de topologie faible (qui est quand même l'idée de base de la théorie des distributions). Par exemple, dans ${\mathbb L}^2(T)$ munie de la topologie forte la suite de fonction $\sin(nx)$ est juste bornée, mais au sens de la topologie faible elle converge vers 0.
SupprimerBonjour
RépondreSupprimerStp, tu peux m'aider pour calculer la transformée de Fourier au sens des distributions de $\frac{e^{i|x|}}{|x|}$ dans $D'(\R^3)$
pas trop le temps hélas, en dimension 3 ce n'est pas simple mais pour la partie imaginaire de ton problème $\sin(|x|)/|x|$ c'est un résultat connu puisque c'est le noyau de Green de l'opérateur des ondes dont la TF est (à une constante multiplicative près) ${1\over |x|}\delta(|x|-1) $ .
RépondreSupprimerJe ne suis pas pressée, tu es un grand pédagogue, j’espère que tu vas trouvé un temps pour regarder la question
SupprimerMerci
Merci, très intéressant!
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