Une pluie d'étoile filantes dans la nuit du 23-24 Mai ... ou pas!

Si vous suivez l'actualité astronomique vous devez certainement avoir entendu parler d'une possible pluie d'étoile filantes prévue pour la nuit du 23-24 Mai. Bien que l'info soit réelle  les médias "grand public"  on encore une fois tendance à user de manière inconsidérée  des superlatifs "exceptionnelle"  "historique"   "déluge" dans le même style de ce qui s'est passé à l'automne dernier  pour la comète ISON annoncé comme spectaculaire  et que seuls les férus d'astronomie ont pu voir.  Je vais donc essayer de vous éclairer sur ce qu'on peut vraiment s'attendre à voir en cette fin Mai  et comment  espérer le voir ...

trajectoires comparées  de la comète 209P  et de la Terre  mi-Mai 2014

Pour commencer il faut savoir que les pluies d'étoiles filantes se produisent quand la Terre traverse la traînée de poussière laissée derrière elle par une comète le long de son orbite. Chaque essaim d'étoiles filantes est donc associé à une comète:

•  pour les Léonides  qu'on peut voir dans la nuit du 17 novembre chaque année  il s'agit de la comète 55P/Temple-Tuttle  
• pour les Perséides qu'on peut voir vers le 12 Août il s'agit de la comète Swift-Tuttle
• pour l'essaim du 24 Mai prochain il s'agit d'une "petite" comète 209P/LINEAR. 

la comète 209P par M Jäger  (source http://cometography.com/pcomets/209p.html)

Pour que cela se produise il faut que l'orbite de la comète associée coupe l'orbite de la Terre,  ce qui n'est pas fréquent, mais c'est bien le cas pour 209P comme vous pouvez le voir  sur la première carte de ce billet. C'est le point d'intersection des deux orbites qui détermine la date exacte du maximum de l'essaim (qui va donc se repoduire tous les ans à la même date), c'est lui qui va  déterminer la direction  d'où semble venir les météores et qui leur donne aussi souvent leur nom :

•  pour les Léonides elles semblent venir de la constellation du Lion 
• pour les Perséides il s'agit de la constellation de Persée
• pour celui du 24 Mai il semblera venir de la constellation de la Girafe 

Cette constellation est  très proche de l'étoile polaire  donc parfaitement observable depuis l'hémisphère Nord, même si à cette époque de l'année elle se trouve au plus bas sur l'horizon nord vers 5h du Matin :

Ces poussières,  comme la comète, sont en orbite autour du soleil  mais du fait de leur faible masse  elles sont plus sensibles aux forces perturbatrices, comme celles exercées par le vent solaire,  et elles se dispersent  autour de la comète.  C'est pour cette raison que les essaims d'étoiles filantes peuvent se révéler très actifs une année et très peu actif une autre année: plus la comète est proche  du point d'intersection de sa trajectoire avec celle de la Terre plus on a de chances de traverser une zone dense de la queue de poussières et donc d'avoir une pluie d'étoiles filantes.  Par exemple 

• pour les Perséides la comète Swift-Tuttle a une période de 133 ans environ, et depuis la deuxième moitié de XIXième siècle on a remarqué que le nombre d'étoiles filantes  varie de 200/heures les années proches du retour de la comète jusqu'à à peine 10/heures sinon. Depuis son dernier retour en 1992 les Perséides sont assez actives mais commencent à diminuer....
• pour les Léonides  la comète 55P/Temple-Tuttle boucle son orbite autour du soleil en 33,5 années   et les  grandes pluies d'étoiles filantes ont lieux autour des années ou la comète passe à son périhélie Ce fût le cas en 1866 lors de la grande pluie d'étoiles filantes  des Léonides mais aussi en 1966. Son dernier retour à eu lieu en 1998  et on a pu assister à une pluie très intense le 19 Novembre 2002  (jusque 1500 étoiles filantes/ heures !!!!). 

dessins de la grande pluie d'étoiles filantes de 1866

 

Pour 209P c'est exactement ce qui se passe cette année puisque la comète (dont l'orbite dure environ 5 ans)  passe au point d'intersection des trajectoires quelques jours avant  que la Terre n'y passe!!!!  Le 14 Mai elle passera à seulement 0.129 UA de la Terre ... on peut donc s'attendre à une  belle pluie d'étoile filantes.

Oui mais ce n'est pas tout : pour prévoir l'activité d'un essaim d'étoiles filantes il faut avoir  une modélisation précise de l'évolution des différentes traînées laissées par la comète  et être sûr que la Terre passe bien dans une traînée dense, et pouvoir aussi prévoir l'heure à laquelle se passage va se faire. Par exemple en 2002  le maximum des l'essaim des Léonides n'a duré qu'une heure  autour de 3h15 TU. Une heure avant ou après très peu d'étoiles filantes étaient visibles, donc pas la peine de chercher à voir les étoiles filantes en restant debout toute la nuit si le spectacle est prévu  pour midi!!!! Cette modélisation  existe et est assez récente. Elle a été proposée par Asher et McNaught en 1999  pour les Léonides et a assez bien prévu le pic d'activité de 2002.  Pour celui du 24 Mai Prochain  vous pouvez trouver des données assez précises sur le site de l'IMCE basé sur une nouvelle méthode de prédiction  d'où l'on peut tirer  quelques enseignements :

• le nombre d'étoiles filantes visibles  devrait être de 100 à 400 ZHR (Zenital per Hour Rate), c'est de l'ordre de ce qu'on voit  lors d'une bonne année des Perséides   ou des Léonides  mais ce n'est pas comparable à ce qui peut arriver lors d'une pluie d'étoiles filantes  (ZHR>1000) comme en 2002 ou 1866 !!!
• l'heure du maximum est prévue pour 7h40 TU  soit 9h40 le 24 mai en France  donc en plein jour !!!!  dans ces conditions peu de chance de voir  une pluie d'étoiles filantes en France fin Mai.

 Bon pour être un peu optimiste  il faut quand souligner cette phrase dans l'article :

ALL THE TRAILS EJECTED BETWEEN 1803 AND 1924
DO FALL IN THE EARTH PATH IN MAY 2014!!! 

Ca laisse quand même espérer  que le taux d'étoiles filantes soit dans le haut de la fourchette! Après il reste a  espérer que l'essaim ait une activité sur une plage horaire assez large, ou un peu en avance sur l'horaire annoncé et en se levant tôt  voir quelques étoiles filantes  vers 4-5h  du matin le samedi 24 Mai.   A moins de bouger  vers l'ouest et les états-unis et le Canada qui offrirons les meilleurs conditions d'observations avec un maximum de l'essaim visible en milieu de nuit.