La plus grosse difficulté pour l'astronome amateur qui veut réaliser des images de nébuleuses et galaxies au foyer d'un télescope réside dans la précision de la motorisation du télescope chargée de compenser la rotation de la terre sur elle-même. Dès qu'on dépasse une focale de 200mm (un petit téléobjectif) il est rare qu'on puisse se contenter du suivi de la monture du télescope plus d'une dizaine de secondes, temps insuffisant pour s'attaquer aux photographies du ciel profond. Il faut alors corriger automatiquement les mouvements du télescope pour que celui-ci pointe exactement dans la même direction durant toute la pose : c'est ce qu'on appelle l'auto-guidage.
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mon télescope prêt pour une séance de photos. |
De nombreux systèmes d'autoguidage très performants se
sont démocratisés à partir des années 2000, certains ont un coup
financier très élevé d'autres nécessitent des connaissances en
électronique/mécanique ... pour l'amateur qui veut se lancer de rien ce
n'est pas facile, il faut trouver la méthode adaptée à ses besoins et ses possibilités. Pour aider ceux qui voudraient se lancer je vais donc vous exposer comment j'y suis
arrivé.
le matériel
pour faire de l'autoguidage il faut en plus d'un télescope et d'un appareil photo tout un tas d'accessoires dont le choix doit être bien réfléchi sous peine de vous bloquer par la suite :
- la motorisation du télescope doit posséder un port d'autoguidage, le plus courant est le port ST4, dont le nom vient de la première caméra d'autoguidage commercialisée par SBIG dans les années 90, qui se présente comme une simple prise RJ12 (prise réseau, mais seuls 4 fils sont utilisés)
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port ST4 (autoguider) du LX50 |
- un instrument de guidage qui se place en parallèle de l'instrument principal qui doit être léger, pour ne pas trop alourdir le télescope. Contrairement à une idée reçu assez répandue l'instrument de guidage n'a pas besoin d'avoir une très longue focale ni d'être de grande qualité optique, bien souvent un chercheur ou une petite lunette suffit. Dans mon cas une lunette 60x350m, affectée d'un astigmatisme assez important mais acheté seulement 20 € sur ebay, suffit pour guider à 1 ou 2 seconde d'arc de précision. Il faut aussi un support pour fixer cet instrument sur l'instrument principal, support avec un système de mouvement lents qui permette de pointer facilement une étoile guide, ce qui peut s'avérer très compliqué la nuit avec un instrument peu sensible ... j'ai fini par trouver une rotule photo abordable chez l'astronome à Lorient pour seulement 35€.
- une capteur qui va venir se placer sur l'instrument de guidage et qui va prendre des images d'une étoile pour évaluer les erreurs de suivi du télescope, pour ma part j'ai utilisé une simple webcam SPC900N à 35€, webcam non-modifiée ! C'est à dire que ma webcam ne peut pas faire de longues poses, contrairement à ce qu'on entend souvent ça et là ça n'empêche pas de faire de l'autoguidage même si le suivi ne peut être fait qu'en prenant une étoile guide assez brillante (magnitude 4-5 voir 6 au pire). Il faut parfois chercher une telle étoile assez loin de la cible, si votre mise en station est moyenne et la durée totale des poses assez longue, vous serez confronté au problème de rotation de champ.
- un ordinateur portable qui va permettre de choisir une étoile guide puis d'analyser les images de la webcam, pour calculer les corrections, et les envoyer au télescope via un logiciel d'autoguidage. Dans mon cas j'ai utilisé un simple netbook (qui a l'avantage d'être pas trop cher, 200€, léger et transportable pour les observations nocturnes) et le logiciel Guidemaster qui tourne sous windows :-( Il faut aussi ajouter les bibliothèques ASCOM qui contiennent les protocoles de communication entre l'ordinateur et le télescope.
- un boîtier permettant d'envoyer les ordres de l'ordinateur vers le port d'autoguidage du télescope, pour ma part j'ai choisi le USBguider1.0 de chez pierroAstro (84 €) qui permet de passer d'un port USB (sur le netbook il n'y a que ce type de sorties) vers le port ST4 du télescope.
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USBguider1.0 |
Si vous faites vos calculs on arrive à 400€ (en rajoutant les frais de ports) en plus de l'équipement de départ. Certes la webcam et le netbook ou la rotule photo peuvent avoir d'autres usages que l'autoguidage ce qui permettra de mieux rentabiliser l'investissement!
- Pour ma part j'ai aussi investi dans un réducteur de focale MEADE à 200€ pour agrandir le champ de vision de mon télescope, faciliter le guidage (focale réduite à 1250mm au lieu de 2000mm!) et diminuer le temps de pose (rapport F/D passant de 10 à 6.3). Il me sert aussi en imagerie planétaire pour faire tenir la Lune ou le soleil en entier dans le champ de mon T200.
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réducteur de focale MEADE |
- J'ai aussi un intervallomètre qui permet de programmer l'appareil photo. Personnellement j'utilise une télécommande
réalisée par un ami (merci Pierre!) qui se branche sur mon canon EOS
350D via une prise jack et me permet de programmer le nombre de pose ,
leur durée, et quelques autres paramètres ...
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intervallomètre pour CANON EOS |
L'autoguidage
Il n'est jamais facile d'opérer la nuit, la mise en place d'une pose peut prendre de 30 minutes à 1 heure suivant les conditions d'observation et la difficulté de la cible. Il vaut mieux avoir une "check-list" bien précise si vous ne voulez pas vous planter :
- repérer la cible, visuellement à l'oculaire de votre télescope et au chercheur pour pouvoir repositionner précisément votre instrument. Repérer aussi une étoile brillante pouvant servir d'étoile guide ou pour la mise au point de l'appareil photo. Il vaut mieux avoir un peu étudié une carte de la zone avant en utilisant un logiciel de cartographie comme "skychart/carte du ciel"
- pointer l'étoile brillante et mettre en place la configuration optique, c'est à dire remplacer l'oculaire du télescope par l'appareil photo, bien orienter le champ d'observation et surtout faire la mise au point de l'instrument sur cette étoile. A partir de là vous ne devrez plus toucher au montage optique et donc plus possible de pointer visuellement votre cible
- repointer la cible et effectuer le cadrage, si l'étape 1 a été faite convenablement ça ne devrait pas être trop difficile, dans le cas contraire il faudra tout reprendre à 0. Pour le cadrage fin faire quelques poses de 30 secondes pour vérifier que votre cible est bien centrée dans le champ de l'appareil photo.
- Pointer l'étoile guide avec la lunette de guidage sans modifier le pointage du télescope !!!! C'est là que j'utilise la rotule photo et ses visses à mouvements fins.
- démarrer l'ordinateur, Guidemaster et la webcam, centrer l'étoile guide sur le capteur. A partir de cet instant la luminosité de l'ordinateur va considérablement diminuer votre acuité visuelle donc il ne sera plus possible de visualiser facilement une nébuleuse à l'oculaire ou sur l'écran LCD de l'appareil photo avant de vous être re-acclimaté au noir, et en plus avec tous les fils branchés il devient difficile d'accéder à l'appareil photo !!!!
- Paramétrer l'instrument de guidage dans Guidemaster et connecter télescope à l’ordinateur. Attention en général cette
connexion n'est pas très stable, toucher les fils ou la raquette de commande du télescope suffit à la perdre! Il est souvent nécessaire de la
réinitialiser : débrancher le port USB de l'USBGUIDER, le rebrancher et
reconnecter via Guidemaster.
- programmer votre séquence photo, cela peut se faire au travers de Guidemaster ou d'autre logiciels de contrôle d'appareil photo, ou avec un intervallomètre (c'est mon cas).
- on peut alors lancer l'autoguidage depuis Guidemaster, souvent au début il peut y avoir quelques à-coups, une fois que le guidage devient stable on peut lancer la série de photos ....
Astuces pour le réglage de Guidemaster
Guidemaster est un logiciel assez robuste mais à l'interface minimaliste, pas toujours facile de bien comprendre tous les paramètres à fixer pour avoir un bon guidage.
- brancher la webcam au PC avant de lancer guidemaster, de telle sorte que Guidemaster ait détecté la webcam et vous propose de la connecter, sinon Guidemaster connectera par défaut la webcam intégré de votre PC (s'il en a une).
- pour éviter d'avoir encore d'autres réglages à faire sur le terrain il vaut mieux définir les différentes configurations de guidage (dans l'onglet "réglage->options") par exemple : guidage au foyer du télescope pour prise de vue en parallèle avec téléobjectif, guidage au chercheur pour prise de vue au foyer ... Donner la focale approximative de l'instrument de guidage et surtout en donnant des bornes pour les temps de correction suivant la qualité de votre monture je vous conseille de limiter les durées de correction à quelques dizaines de millisecondes pour éviter que n'importe quel incident produise un emballement du système d'autoguidage déréglant toute votre configuration!
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paramétrage d'une configuration de guidage |
- choisir votre configuration dans la liste (dans l'onglet "configuration"), brancher le USBguider entre le PC et le télescope puis connecter le télescope (via l'onglet "télescope"). Normalement deux ordres de correction sont envoyés au télescope puis une petite fenêtre de confirmation doit s'ouvrir, avec le code 0, et la diode de l'USBguider doit s'allumer (couleur blanche). Si la fenêtre de confirmation affiche le code 4 c'est que la connexion ne s'est pas faite, il faut alors débrancher l'USBguider , le rebrancher et relancer la connexion. L'USBguider peut se déconnecter en particulier quand on utilise la raquette de commande du télescope en parallèle.
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choix d'une configuration |
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connexion PC/télescope |
- Une fois que vous avez une étoile de visible près du centre du viseur de la webcam, le guidage se lance en cliquant sur le bouton vert, puis "verrouiller sur l'étoile" et ensuite cliquer sur l'étoile. Une nouvelle fenêtre s'ouvre avec tout un tas d'information sur le guidage. Si les première corrections semblent amplifier les erreurs de guidage c'est que l'orientation de la webcam n'est pas bonne (ça dépend aussi du montage optique, par exemple s'il y a une barlow). Stoppez le guidage, et dans la fenêtre principale de Guidemaster cochez les cases inv DEC et/ou inv RA suivant la direction de correction qui pose problème. Si vous trouvez aussi que les corrections sont trop violentes pour votre monture baissez la valeur au centre du pavé directionnel de cette même fenêtre (directions N-S-E-W). C'est la durée maximale des corrections.
- Quand le guidage a pu démarrer il peut être intéressant de modifier quelques paramètre pour le rendre plus doux. On aura par exemple intérêt à diminuer "l'agressivité" et augmenter le paramètre "moyennage" pour éviter de guider la "turbulence".
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l'interface de Guidemaster pendant le guidage |
Pour finir (et pour le plaisir des yeux j'espère) quelques exemples de photos prises avec ce système sur mon télescope LX50+CANON EOS 350D avec des poses unitaires de 1 à 3 minutes , d'abord deux images prises avec des téléobjectifs de 135mm et 300mm de focale, dans ce cas c'est le télescope qui sert d'instrument de guidage (ça facilite le choix d'une étoile guide!) :
Les autres images sont prises au foyer du LX50 (muni de son réducteur de focale) le guidage est fait avec la lunette 60x350mm en parallèle :
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Pour écrire des formules mathématiques vous pouvez utiliser la syntaxe latex en mettant vos formules entre des "dollars" \$....\$ par exemple :
- \sum_{n=1}^\infty {1\over n^2}={\pi^2\over 6} s'obtient avec \sum_{n=1}^\infty {1\over n^2}={\pi^2\over 6}
- \mathbb R s'obtient avec {\mathbb R} et \mathcal D s'obtient avec {\mathcal D}
- pour les crochets \langle .,. \rangle dans les commentaires utilisez \langle .,. \rangle
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